Association des correcteurs de langue française

Le travail du correcteur

Le métier de correcteur repose sur des pratiques et un savoir-faire particuliers. Nous vous proposons ici de découvrir comment le travail s’effectue dans l’édition, dans la presse et dans la communication.

(Re)lire et corriger :
pratiques et savoir-faire

Une lecture attentive et professionnelle

Tout lecteur, toute lectrice, qu’il s’agisse d’un professionnel ou d’un amateur, est susceptible d’apporter des améliorations significatives à un texte, selon sa sensibilité, sa culture et ses connaissances linguistiques. Le correcteur professionnel exerce un savoir-faire spécifique qui non seulement permet d’améliorer un texte, mais aboutit à son perfectionnement en vue de sa publication.

Ce savoir-faire implique la possession de compétences spécifiques :

  • maîtriser les règles du français (orthographe, grammaire, conjugaison, ponctuation…) et les outils de référence associés à cette maîtrise ;
  • manier les conventions typographiques, celles qui relèvent du code typographique partagé dans les professions de l’écrit comme celles qui relèvent des choix propres à chaque maison, synthétisés dans une marche typographique ;
  • déjouer les pièges des habitudes : l’œil ne se laisse pas porter par la ligne de texte, mais conserve une attention scrupuleuse à l’orthographe et à la grammaire, y compris par une lecture syllabique là où il en est besoin. De même, l’esprit ne se laisse pas entraîner par le récit ni séduire par l’argumentation, mais préserve le recul et la vigilance nécessaires ;
  • savoir adopter une stratégie de recherche pour vérifier et corriger les choix lexicaux et les informations factuelles ;
  • épouser la cause du texte : ayant accepté la mission de corriger une publication, le correcteur emploie son sens critique au service du texte, de son contenu et de son articulation, et non au service de conceptions personnelles.

Une lecture qui s’inscrit dans la production d’une publication

Professionnel de la communication écrite, le correcteur en connaît les pratiques et les métiers. Son travail s’ajuste donc aux objectifs, ressources et contraintes propres aux différents types de publications, ainsi qu’aux usages professionnels des autres acteurs de la chaîne de production.

L’activité du correcteur nécessite par conséquent certaines qualités et connaissances fondamentales :

  • capacité d’analyse des publications et adaptation des interventions au registre, au domaine et au public visés ;
  • connaissance de la chaîne de production, des délais, des contraintes techniques et financières inhérents à chaque étape et aux divers types de corrections, ce qui permet d’adapter le niveau d’intervention au souci pratique de production ;
  • compréhension des autres métiers coopérant à la production des écrits, et communication adéquate, tant techniquement qu’humainement, avec leurs praticiens. Sur la copie de travail, une utilisation parfaitement claire des signes conventionnels de la correction est l’instrument fondamental et nécessaire de cette communication ; elle s’accompagne d’économie, de mesure et de courtoisie dans les propositions argumentées.

L’ACLF s’est proposé de synthétiser sa position sur la déontologie du métier dans un code de déontologie des correcteurs, dont tous ses membres sont signataires.

Les différentes étapes
de la relecture-correction
dans l’édition

La préparation de copie

À ce stade, le correcteur (qui opère ici en tant que « préparateur ») travaille sur le manuscrit définitif, accepté par l’éditeur en vue de sa publication. Ce document, version de référence pour tout le processus de publication, est couramment appelé « la copie ».

Le travail de préparation s’effectue fréquemment sur ordinateur, via un logiciel de traitement de texte. Les corrections apportées, au minimum les remaniements, reformulations, changements lexicaux et suppressions motivées, sont laissées visibles sur la version informatique, à l’aide de l’outil « suivi de modifications ». Le texte, une fois préparé, sera mis en page par un compositeur ou un graphiste.

Lors de cette étape, le correcteur s’acquitte des tâches suivantes :

  • correction orthotypographique exhaustive et unification des graphies et des enrichissements typographiques, dans le respect de la marche maison ou du code typographique partagé dans le métier ;
  • harmonisation de la mise en forme des intertitres, des citations, des notes, etc. ;
  • propositions de réécriture, d’amélioration de la syntaxe ou du vocabulaire, chasse aux répétitions et proposition de synonymes, en fonction du contexte et dans le respect du style, du contenu et du public visé ;
  • vérification de l’information : noms propres, dates, événements historiques, etc., en s’appuyant sur des sources encyclopédiques fiables ;
  • corrections propres à la cohérence interne d’un texte (références internes, chronologie des fictions, identification des personnages, etc.) ;
  • examen critique de la structure du texte et de sa hiérarchisation, propositions d’amélioration en harmonie avec l’objectif du texte, particulièrement dans la préparation d’ouvrages journalistiques, d’essais et de documents d’actualité.

Rythme de travail usuel : 6 000 à 9 000 signes (espaces comprises)/heure

  • Les tâches additionnelles doivent entraîner une réévaluation du rythme et de la rémunération du travail.
  • Cette estimation n’est pas applicable à certains types de publications : poésie, bande dessinée, ouvrages spécialisés…
  • Une évaluation du rythme de travail en conscience est parfois pratiquée, en fonction de la relation avec le donneur d’ouvrage, du type d’ouvrage ou de la nature de la commande. Le correcteur indique alors au donneur d’ouvrage le temps passé une fois le travail accompli. S’applique alors la rémunération horaire décidée entre le commanditaire et le correcteur. C’est notamment le cas lorsque la préparation est effectuée par un salarié de l’édition, ainsi que le prévoit l’article 3 de l’annexe IV de la Convention collective de l’édition.

La correction des premières épreuves

Le texte, dûment préparé au préalable, est coulé dans sa maquette définitive. Le correcteur relit ainsi un écrit le plus fidèle possible à sa version BAT (« bon à tirer »).
La relecture des épreuves se fait généralement sur papier, sur une impression à l’échelle. La relecture informatique est possible, à l’aide d’un logiciel d’affichage des documents, par ses fonctions de modification directe ou, plus fréquemment, par les fonctions de commentaire. Le papier garantit toutefois une qualité de relecture supérieure : gain de temps et de précision grâce à l’utilisation des signes conventionnels de la correction, attention plus soutenue. L’utilisation complémentaire du fichier informatique des épreuves apporte toutefois une aide considérable pour naviguer dans le texte et systématiser certaines vérifications et unifications, grâce aux fonctions de recherche en particulier.

Il s’agit lors de cette étape d’effectuer les tâches suivantes :

  • unifications orthotypographiques, stylistiques, des graphies des noms propres, etc., et ce, dans le respect du code typographique ou de la marche typographique maison ;
  • lecture particulièrement attentive aux règles typographiques, à l’orthographe, à la grammaire ;
  • propositions de réécriture à la marge, d’amélioration de la syntaxe ou du vocabulaire ;
  • contrôles ponctuels à l’aune de la version originale (traductions) ;
  • contrôle de la mise en page : respect de la maquette et de la marche graphique, emplacements des éléments visuels, sauts de ligne, styles et enrichissements, hiérarchie des intertitres ;
  • contrôle de la composition du texte et de ses paragraphes : retraits, alignements, marges, gris typographique, coupes, veuves et orphelines, lignes creuses, interligne, approche et interlettrage ;
  • contrôle de l’appareil éditorial : table des matières, des illustrations, etc., renvois internes, pagination, titres courants, notes et appels de note, pages liminaires, architecture et ordonnancement des sections ;
  • lecture critique des éléments visuels, graphes, illustrations, ornements typographiques, etc.

Certaines tâches spécifiques peuvent être effectuées par le correcteur lors de cette relecture :

  • contrôle de conformité des épreuves à la copie et pointage des corrections demandées lors de la préparation ;
  • contrôle de conformité du contenu aux versions précédentes (rééditions, nouvelles éditions, passages en format poche, numérisations).

Rythme de travail usuel : 10 000 à 15 000 signes (espaces comprises)/heure

  • Dans le cas d’un texte qui n’aurait pas été dûment préparé en amont, ce rythme de lecture ne saurait être tenu sans préjudice causé à la qualité du travail.
  • Cette estimation n’est pas applicable à certains types de publications : poésie, bande dessinée, ouvrages spécialisés…
  • Le travail en conscience (voir ci-dessus) est également praticable si les parties le souhaitent.
  • Dans le cas d’un travail salarié, l’annexe IV de la Convention collective de l’édition précise les cadences pratiquées.

La correction des secondes épreuves

Il s’agit de l’ultime étape avant le BAT. À l’issue de cette relecture, le texte ne doit plus comporter de coquille ni de faute, la maquette est parfaitement respectée, le contenu entièrement vérifié et validé.

Cette dernière lecture implique les vérifications suivantes :

  • relecture orthotypographique attentive ;
  • contrôle de la maquette et de la mise en page ;
  • contrôle des unifications ;
  • contrôle ou foliotage des renvois internes ;
  • foliotage des index (selon la commande) ;
  • pointage des corrections effectuées sur premières épreuves (selon la commande).

Rythme de travail usuel : 15 000 signes (espaces comprises)/heure

Le travail du correcteur
dans la presse

Membre du plateau technique de la rédaction, le rédacteur-réviseur de presse exerce sous la supervision du secrétaire de rédaction. S’il peut intervenir sur les articles en amont des bouclages, le cœur de sa pratique se trouve avant tout dans sa participation à ceux-ci, le plus souvent sur place. Son travail exige une approche spécifique, puisque c’est en journaliste qu’il doit relire et corriger les textes de ses confrères et consœurs.

Il doit ainsi :

  • adapter son type d’intervention au registre de langue et au(x) domaine(s) couvert(s) par la publication ;
  • veiller au respect de la ligne éditoriale et la suivre dans ses choix de correction ;
  • employer le vocabulaire technique et le jargon dans le cas de la presse spécialisée
    ou professionnelle ;
  • apporter une attention particulière aux éléments de titraille et à leur cohérence, entre eux et avec le contenu, et à la pertinence des éléments visuels, en bonne intelligence avec les pratiques du secrétariat de rédaction ;
  • adopter un rythme de lecture et une doctrine d’intervention respectant la temporalité des bouclages : plages de travail courtes, respect impératif de l’heure d’envoi à l’imprimeur, adaptation aux urgences et imprévus inhérents au journalisme.

Les besoins spécifiques de la presse Web

La presse en ligne suppose des ressources, des contraintes et des objectifs différents de la presse papier. C’est pourquoi les réviseurs qui y opèrent doivent en outre posséder les compétences suivantes :

  • maîtriser les outils d’édition employés par la rédaction : systèmes de gestion des contenus (CMS), serveurs de partage de documents… ;
  • adapter le travail au rythme du « bouclage permanent », hiérarchiser les priorités de relecture (avant ou après publication), savoir corriger adéquatement un article déjà paru ;
  • comprendre les spécificités de la publication Web : objectifs de référencement, incitation aux clics des visiteurs, évitement des erreurs et bogues d’affichage, respect des contraintes en nombre de caractères, etc.

L’activité des rédacteurs-réviseurs, qui sont statutairement des journalistes, est encadrée par la Convention collective nationale des journalistes.

Relire et corriger
dans la communication

Relire et corriger des documents de communication mobilise les mêmes compétences et requiert le même professionnalisme que dans les autres secteurs. Toutefois, chaque publication étant produite par une entreprise ou une institution différente, et les publications pouvant aller de la publicité au rapport d’activité en passant par le communiqué de presse ou le document de communication interne, adaptation est ici le maître mot.

La correction en communication met donc l’accent sur :

  • les reformulations et la réécriture, dans le strict respect des spécifications apportées par le donneur d’ouvrage ;
  • une pratique typographique et linguistique adaptée et, souvent, ad hoc, tant en matière esthétique qu’en matière de conventions d’écriture (choix des capitales, graphie des marques déposées, des noms de produits et d’entreprises, etc.).

Le nombre et le type de relectures pratiquées pour chaque publication, et les rythmes afférents, ne sont pas aussi formalisés dans la communication que dans l’édition, mais les pratiques y sont similaires. Dans l’éventualité où un donneur d’ouvrage ne serait pas rodé aux pratiques de la publication et des relectures habituelles, les normes en usage dans l’édition feront une base judicieuse pour garantir fiabilité de la production et qualité des publications.
En outre, la communication sur Internet étant désormais largement professionnalisée, les relectures qu’elle requiert doivent tenir compte de ses procédures et de ses usages propres (voir notamment ci-dessus : « Les besoins spécifiques de la presse Web »).